Ce qui m’intéresse le plus est la structure cachée et invisible de notre société moderne. La structure fonctionne où que nous vivions. Elle naît de nos désirs, même si elle peut souvent nous réprimer et nous déprimer. J’appelle la structure « Invisible Machinery », « Machinerie invisible ». Elle s’incarne parfois dans les coutumes, la loi, les systèmes sociaux, ou même l’architecture. Elle apparaît aussi d’autres fois dans nos propres comportements, nos gestes ou notre contenance. La « Machinerie invisible » réside à l’extérieur et même aussi à l’intérieur de nous. Elle est invisible mais les signes sont partout, autour de et parmi nous. Et je pense qu’une photographie est l’outil parfait pour la capturer.
Une photographie est totalement différente de notre vision, qui est dynamique et fondée sur une durée de temps, la vie elle-même. La photo est statique, elle exclut le temps et la vie de la réalité qui nous fait face. Dans un sens, la photographie est l’art de la mort. Photographier n’est rien d’autre que d’« arrêter ». Et donc, la photographie peut percevoir des choses qui sont cachées dans le flot continu de nos vies ; c’est une cérémonie secrète allant et venant entre « visible » et « invisible ».
Les images présentées ici proviennent de plusieurs projets : Invisible Machinery, Prewar Days, Theater Degree Zero… Mais quoi que je photographie, chacune de mes images est inévitablement fondée sur le concept de « Machinerie invisible ». C’est le destin de mon regard et je ne peux y échapper.
Toru Ukai
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What interests me the most is the hidden and invisible structure in our modern society. The structure is working everywhere we live. It’s born out of our desires, though it can often suppress and depress ourselves. I call the structure “Invisible Machinery”. Sometimes it’s embodied in the customs, the law, the social systems, or even the architecture. Sometimes it appears in our own behavior, gestures, and figures. “Invisible Machinery” lies on the outside and even on the inside of us. It’s invisible but the signs are everywhere around and among us. And I think a photo is a perfect tool to capture this invisible structure.
A photo is totally different from our pure eyesight which is dynamic and based on the duration of time, that is, our life itself. A photo is static and excludes time and life from the whole reality in front of us. In that sense, photography is the art of death. To photograph is nothing other than to “stop”. Therefore, photography can perceive things that are hidden in our continuously flowing lives; it is a secret ceremony going back and forth between “visible” and “invisible.”
The images presented here come from several projects: Invisible Machinery, Prewar Days, Theater Degree Zero… But no matter what I photograph, every one of my pictures is inevitably based on the concept of “Invisible Machinery”. It’s the destiny of my eyes and I can’t escape it.
Toru Ukai
Quand je dis moi, une frontière sans forme définie se dresse autour de moi. Aussitôt que je dis vous, une frontière apparaît entre vous et moi, que cela soit une bonne chose ou non. Quand je braque mon objectif sur le monde, je deviens conscient des nombreuses frontières qui existent, certaines visibles, d’autres non.
Les frontières divisent le monde en d’innombrables fragments, et séparent également le futur inconnu du passé et du présent. Le Japon est demeuré pendant plus de soixante-dix ans dans l’après-guerre, comme une nation vaincue. Cette situation semblait faite pour durer quasi-éternellement mais me semble évoluer, en dépit de la paix apparente. Comme l’histoire le suggère, « après-guerre » pourrait être un autre nom pour « avant-guerre ».
Les images de ce livre ont été principalement prises à Tôkyô, la ville des « zéro degrés ». Isolement, fatigue, usure, et une certaine forme de contrôle… Glaciale, même au cœur de la chaleur du mi-été. « Zéro degrés » évoque aussi un point critique invisible. Rien de bon ou de mauvais ne se produit pour le moment, mais cette frontière est pleine de potentiel de changement. Cela peut parfois être l’amorce d’une meilleure communication et d’une compréhension mutuelle, parfois le début du rejet et du conflit. La frontière est comme la première phrase d’une histoire. Personne ne sait si cela se terminera bien ou de manière tragique.
Toru Ukai
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When I say I, a boundary appears around me without any specific shape. As soon as I say you, a boundary appears between you and me, whether it’s good or not. When I point my camera at the world, I become aware that the world is full of boundaries. Some are visible; others are invisible.
Boundaries divide the world into innumerable fragments, and also separate the unknown future from the past and the present. Japan has been in the long “postwar days” for more than 70 years as a defeated nation. This situation seemed to be almost eternal, but I feel it is now on the way out, in spite of the apparent peace. “Postwar” could be another name for “prewar” as history suggests.
The pictures of this book were taken mainly in Tokyo, the city of zero degrees. Isolation, fatigue, corrosion, and some kind of implicit control… It looks freezing even in the heat of midsummer. “Zero degrees” also connotes some invisible critical point. Nothing good or bad is happening at the moment, but this boundary is full of potential for change. Sometimes it can be the takeoff for communication and mutual understanding, and sometimes the ignition point of rejection or conflict. The boundary is like the opening sentence of a story. Nobody knows whether it will lead to a happy or tragic ending.
Toru Ukai
Je me souvenais d’une autre ville.
D’autres rues.
De taxis jaunes d’une autre forme.
Je me souvenais d’autres tours, doubles comme une berlue, à la pointe sud de l’île.
Je me souvenais de la congestion des limousines, à ce « carrefour du monde » où seuls, désormais, s’entrecroisent, s’agrègent puis s’égaillent les piétons.
Des immeubles incendiés de Harlem, aux façades éventrées — mais je n’en ai plus revus.
De l’hôtel Consulate, où j’avais dormi, 224 West 49th St, rénové et opportunément rebaptisé The Time.
Car oui, le temps a passé.
Je n’ai pas retrouvé cette ville que j’avais connue, le logo Pan Am sur ce building de Park Avenue.
Le Carnegie Deli a fermé et l’installation du Moma, avec des horloges disséminées dans sa structure de métal, s’est elle aussi évanouie.
Mais cette ville, y suis-je vraiment allé, l’ai-je bien parcourue, sinon dans les songes que ma mémoire contenait avant même de me laisser croire que j’y avais un jour atterri ?
Thierry Clech
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I remembered a different city.
Different streets.
Yellow cabs with a different shape.
I remembered different towers, double as in troubled vision, at the Southern tip of the island.
I remembered the traffic-jam of limousines, at this “crossroads of the world”, where, now, only pedestrians cross each other, aggregated for a moment before going on their way.
Burnt-out buildings of Harlem, with their shattered fronts – but I haven’t seen any this time.
The Consulate Hotel, where I slept, 224 West 49th St, renovated and appropriately renamed “The Time”.
Because, indeed, time has passed.
I haven’t found the city I knew, the Pan Am sign on this Park Avenue building.
The Carnegie Deli is closed and the MOMA premises, with its clocks scattered across its metal structure, has also vanished.
This city, had I really ever visited it, except in the dreams lodged in my memory even before I believed that I had someday landed there?
Thierry Clech
S’étirant sous la double protection de Kannon et du havre de la prospérité, Uraga-Suidô a depuis des temps immémoriaux constitué une porte d’accès pour l’Est du Japon, et été le théâtre de nombreuses et flamboyantes démonstrations de pouvoir, d’amour et de dévouement. Le Commodore Perry a jeté l’ancre sur ce rivage au 19ème siècle, forçant le Japon à rouvrir ses frontières après plus de deux cent ans d’autarcie. C’est aussi dans cette baie que l’épouse du héros légendaire Yamato Takeru se serait jetée afin d’apaiser le courroux du dieu marin et permettre à son mari de poursuivre sa campagne avec succès. Réels ou légendaires, ces événements ont façonné l’histoire du Japon, marqué des débuts et fins d’époques.
De nos jours, la passe est principalement fréquentée par les cargos. Cependant même ces ternes et massifs pourvoyeurs de biens quotidiens laissent leur trace, non pas dans les courants de l’histoire, mais plus concrètement dans les flots de la baie. Capturant patiemment ces traces avec son objectif, Tomonori Ozawa révèle leur beauté inattendue, nimbe d’une aura de magie et de poésie les acteurs les plus prosaïques de nos sociétés industrielles et de consommation ainsi que les rives polluées d’Uraga-Suidô. Avec une qualité presque picturale, les navires deviennent des bandes éthérées de couleurs sur la ligne d’horizon, unissant ciel et mer, homme et nature, en une harmonie intemporelle.
Valérie Douniaux
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Spreading under the auspicious protection of Kannon and of the haven of wealth, Uraga-Suidô has been since time immemorial a gate to Japanese eastern lands, the theater of many flamboyant demonstrations of power, love and dedication. Commodore Perry landed on these shores at the end of the 19th century, forcing Japan into the reopening of its frontiers after more than 200 years of seclusion. It is also into this bay that the wife of legendary hero Yamato Takeru is said to have leapt, in order to appease the ire of the sea god and allow her husband to succeed in his campaign. Real or legendary, these events have shaped the history of Japan, and marked the beginnings and ends of eras.
Now the pass is mainly frequented by cargo ships. Yet even these massive and drab purveyors of everyday goods leave their trace, not in the flow of history, but more concretely in the flow of the bay’s waters. Patiently capturing these traces with his camera, Tomonori Ozawa reveals their unsuspected beauty, brings an aura of magic and poetry to the most prosaic actors of our industrial and consumption societies, and to the polluted shores of Uraga-Suidô. With an almost pictorial quality, the boats become ethereal bands of colour on the horizon, bringing together sky and sea, man and nature, in timeless harmony.
Valérie Douniaux
Ishikeri, une marelle photographique
Les deux pieds sur terre, je regarde les photographies de Hiromi.
Je lance mon caillou sur la case 1
1, pour un avion de papier en quête d’un nuage
Puis saute à cloche-pied sur les cases 2 et 3
2, pour deux robes virevoltantes sous la glycine
3, pour trois libellules aux ailes noires effleurant le sable blanc
Je lévite au-dessus des cases 4 et 5
Deux étoiles de mer se dévoilent et deux autres se cachent pour faire quatre
Tandis que cinq ballons se démultiplient pour envahir tout l’espace
Je retombe sur mes pieds à la case 6
Cinq poissons prisonniers et un libre comme l’air
Les cases 7 et 8 font office de tremplin, je suis prête à l’envol
Sept plumes tournant manège
Et huit chardons se déguisant en coton
Je m’envole pour la case du ciel, l’espace bleu de l’imagination
Bienvenue dans le jeu de marelle, dans la photographie de Hiromi Kakimoto.
Sophie Cavaliero
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A Photographic Hopscotch
My two feet on the ground, I observe Hiromi’s photographs.
I toss a pebble in square 1
1, for a paper plane in search of a cloud
Then, I hop on squares 2 and 3
2, for two whirling dresses under wisteria
3, for three black-winged dragonflies gliding over the white sand
I levitate over squares 4 and 5
Two starfishes unfold and two others hide to make four
While five balloons multiply and invade the whole space
I fall back on my feet on square 6
Six fishes, five prisoners and one free as the wind
Squares 7 and 8 are springboards. I am ready to fly
Seven spinning feathers
And eight thistles dressed in cotton
I take flight towards Heaven, the blue space of imagination
Welcome into the hopscotch, into Hiromi Kakimoto’s photographs.
Sophie Cavaliero
MÉMOIRE. Se plaindre de la sienne, et même se vanter de n’en pas avoir…
Gustave Flaubert, DICTIONNAIRE DES IDÉES REÇUES
La reproduction de souvenirs essuie toujours un échec. Surtout quand ces souvenirs sont inoubliables.
Il m’arrive souvent de ne pas pouvoir reproduire les images issues de ma mémoire, alors que je prends moi-même les photographies.
Après tout, les photographies ne sont pas faites pour fixer la mémoire, au contraire, elles pourraient être faites pour la perdre.
Bien sûr que l’on peut dire comme Barthes « ça-a-été ». Mais on peut dire aussi « ça-n’a-pas-été ». Et ce petit désordre me séduit plutôt.
Je construis un autre monde avec des fragments, oscillant entre « ça-a-été » et « ça-n’a-pas-été ».
A ce moment-là, les souvenirs me quittent, et se mettent à voguer vers un endroit que je ne connais pas..
Keiko Sotokubo
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MEMORY. To complain about one’s own, and even to boast of not having any…
Gustave Flaubert, DICTIONNAIRE DES IDÉES REÇUES.
The reproduction of memories is always a failure. Particularly when these memories are unforgettable.
I often find myself incapable of reproducing images coming my memories, even though I take the photographs myself.
After all, photographs are not made to retain memories; on the contrary, they could be made to lose them.
Of course, one can say, following Barthes, “this-has-been”. But one can also say “this-has-not-been”. And this slight disorder rather appeals to me.
I build another world made of fragments, oscillating between “thishas- been” and “this-has-not-been”.
At this point, memories leave me, and start sailing towards a place. I do not know.
Keiko Sotokubo
La gravitation fait tourner la terre autour du soleil, la lune autour de la terre ; elle agit sur les vagues et marées, fait tomber l’eau sur terre. Cette eau, réchauffée par le soleil, s’évapore avant de redevenir pluie ; par l’effet de la gravitation, elle revient à la mer, en un cycle complet. Dans le bouddhisme japonais, le concept de rinnetenshô, ou métempsycose, considère également que l’âme humaine suit un cycle de réincarnations.
Kazuumi Takahashi souhaite exprimer visuellement ces cycles, nous permettre de les ressentir de manière directe. Né dans une famille de pêcheurs, l’artiste a toujours été en phase avec les rythmes de l’univers, avec le parcours de l’eau, avec les marées. La mer a été pour lui un « paysage originel », ancré au plus profond de sa mémoire.
Il nous invite par ce livre à un voyage spirituel au long des côtes japonaises, au coeur des cycles naturels, sans début ni fin, dans un flux éternel.
Valérie Douniaux/Kazuumi Takahashi
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Gravity makes the Earth revolve around the Sun, the Moon around the Earth; it also creates waves and tides, makes water fall on Earth. This water, heated by the Sun, evaporates before turning once again into rain; under the action of gravity, it goes back to the sea, in a complete cycle. In Japanese Buddhism, the concept of rinnetenshô, or metempsychosis, also holds that the human soul goes through a cycle of reincarnations.
Kazuumi Takahashi wishes to make these patterns visible, to allow the viewer to sense them directly. Born in a family of fishermen, the artist has always been attuned to the rhythms of the universe, to the course of water, to ebb and flow. The sea has been to him an “original landscape”, at the very core of his earliest memories.
With this book, he invites us for a spiritual journey along the coastlines of Japan, in the heart of Nature’s cycles, with no beginning nor end, in an eternal flux.
Valérie Douniaux/Kazuumi Takahashi
C’était au crépuscule, à Tôkyô, Ôsaka ou Kyôto, dans une chambre d’hôtel, avec, derrière la baie vitrée sur laquelle se réfléchissait mon visage, une vue panoramique de la ville dont les lumières, sous les lueurs orangées et violines du soir, se mirent peu à peu à scintiller le long des rues brusquement plongées dans l’ombre portée des buildings, le long des avenues et des voies ferrées enchevêtrées au pied des immeubles recouverts de néons versicolores, d’enseignes verticales où clignotaient des katakana, des hiragana, des kanji.
On eût dit, à mesure que la nuit s’allongeait, qu’il tombait du ciel des nuées grouillantes de lucioles glissant en d’ultimes voltes collectives, filant sur les artères métropolitaines, se dispersant partout dans la ville d’où émanait à présent un gigantesque halo, un dôme de lueurs poudroyantes sous la voûte infinie de la nuit étoilée qui en était comme la réverbération symétrique, et plus je me rapprochais de la baie vitrée pour mieux saisir la ville du regard, plus ma propre image s’y évanouissait.
Je fus alors saisi par un léger vertige, une double sensation d’ivresse et d’inquiétude d’être enfin prêt à me perdre dans le dédale des rues du Japon.
Thierry Clech
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It was dusk, in Tôkyô, Ôsaka or Kyôto, in a hotel room revealing, behind the bay window which reflected my face, a panorama of the city, whose lights, under the orange and dark purple hues of the night, started scintillating along the streets suddenly plunged into darkness in the shadows of buildings, along the avenues and intricated railroads at the foot of edifices covered with versicolor neons and vertical signs, blinking katakana, hiragana, kanji.
One felt, as the night deepened, as if swarms of fireflies were falling from the sky, gliding in collective voltes, sliding on the metropolitan arteries, disbanding everywhere in the city from which now emanated a gigantic halo, a dome of powdery glow under the endless vault of the starlit night which was like its symmetrical reflection, and as I approached the window for a better view of the city, my own image gradually faded into it.
I felt a slight dizziness, a dual sensation of exhilaration and anxiety, of being ready at last to lose myself in the labyrinth of the streets of Japan.
Thierry Clech
« Cadrer des cadres dans des carrés ».
Ceci pourrait évoquer une comptine, un jeu enfantin, s’il ne s’agissait en réalité d’un pari visuel riche de possibles pour celui qui parvient à l’appréhender avec recul et une certaine fraîcheur. Car il faut être capable de garder sa liberté de ton pour transcender un parti-pris créatif dont la simplicité fondamentale peut devenir un piège.
Lorsqu’elle a ouvert en 2012 un compte Instagram (@rabbittears) et s’est lancé ce défi au quotidien, Nadia Anémiche était loin d’imaginer l’importance que tout ceci allait prendre pour elle. Même si l’image et la photographie ont toujours été au cœur de sa vie, tant personnelle que professionnelle, Nadia Anémiche a trouvé avec ces contraintes techniques imposées, avec cette « obligation » de rendu journalier, une manière de redécouvrir le monde, de considérer le banal avec un œil neuf, dans un émerveillement perpétuel. Ce qui était auparavant invisible capte désormais son regard, tandis que son esprit reste continuellement à l’affût de merveilleuses trouvailles, de rencontres inattendues.
Au gré de ses flâneries urbaines, munie d’un outil léger, facile d’utilisation (un smartphone), la photographe est ainsi devenue une collectionneuse. Collectionneuse de vues urbaines, de façades qui sont comme autant de portraits, parfois empreints de gaieté, parfois marqués par les souvenirs d’un passé plus chaotique. A l’image de la vie même.
Valérie Douniaux
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“Framing frames within squares”.
It might sound as a nursery rhyme or a game from childhood, if it was not in truth a visual dare, full of opportunities for those able to consider it with an open and fresh mind. Indeed, one must be able to keep a free outlook to transcend a creative concept whose basic simplicity can become a trap.
When, in 2012, she started her Instagram account (@rabbittears) and set it as an everyday challenge, Nadia Anémiche was far from anticipating the importance that all this would take for her. Though pictures and photography have always been at the roots of her interests, both personal and professional, with this self-imposed duty and its technical constraints, as well as with the obligation of a daily result, Nadia Anémiche has found a way of rediscovering the world, of considering the mundane with a new eye, in a perpetual wonder. What was invisible now catches her gaze, as her mind remains continuously on the lookout for marvelous finds, unexpected encounters.
During her urban wanderings, equipped with a light, easy to use device (a smartphone), the photographer has turned into a collector. A collector of urban sceneries, of facades which are as many portraits, sometimes imbued with joy, sometimes bearing the marks of a more chaotic past. Just as life itself.
Valérie Douniaux
Dans ses Waterscapes, le photographe japonais Yosuke Kojima nous montre une nature marquée par de violentes pluies, mais néanmoins d’une beauté sereine et silencieuse, pleine de majesté. Un monde où le spectateur a envie de se laisser doucement entraîner. Le paysage acquiert une qualité picturale avec sa palette de verts, bleus et gris rehaussés de quelques flamboiements automnaux et de touches de lumière. Les photographies deviennent pures compositions plastiques. Les contours semblent au premier abord clairement définis ; en fait, les limites s’effacent, les frontières entre ciel et terre sont abolies, haut et bas se confondent. Le regard se sent à la fois attiré vers l’envers mystérieux du miroir liquide et invité à suivre le courant, vers l’horizon que l’on aperçoit parfois. Chaque photographie est un espace clos sur lui-même dans une sorte de complétude momentanée. Dans ces espaces entre matériel et immatériel, nos repères visuels n’ont plus cours. Les images formées par les reflets des paysages sont déjà intrinsèquement des inversions du réel ; elles atteignent un degré supplémentaire de virtualité lorsqu’elles apparaissent sur le verre de visée de la chambre grand format utilisée par Yosuke Kojima. La réalité nous échappe, mais l’appareil continue à nous révéler ces illusions nées d’un monde pourtant bien vivant.
Valérie Douniaux
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In his Waterscapes, Japanese photographer Yosuke Kojima shows us a nature affected by violent rains, but of a nevertheless serene and silent beauty, full of majesty. A world into which the viewer wishes to wander, to be slowly drowned. The landscape acquires an almost pictorial quality with its palette of greens, blues and greys enhanced by some autumnal flamboyance and touches of light. The photographs become pure plastic compositions. The outlines seem at first glance perfectly defined ; in fact, the limits are blurred, the frontiers between sky and earth are abolished, above and below mingle. The eye feels both attracted towards the mysterious underside of the liquid mirror and invited to follow the current, towards the horizon which appears at times. Each photograph is a world closed on itself in a kind of fleeting completeness. One’s usual visual references are no longer of use in these spaces between material and immaterial. The pictures created by the reflections of the landscapes on water are, intrinsically, an inversion of reality; they reach a higher degree of virtuality when they appear on the ground glass of the large size view camera used by Yosuke Kojima. Reality eludes us, but the camera goes on revealing these illusions born from a world that is undeniably tangible and alive.
Valérie Douniaux
Les photographies présentées dans cet ouvrage sont les filles d’un lien puissant, celui existant entre l’œil sensible de Marco Rigamonti et une terre que l’artiste a choisie comme sujet de son travail, la région naturelle française méridionale de Camargue.
Ce lien est fait de confiance et de respect, et s’est construit avec patience et dévouement. Cela a néanmoins été une véritable surprise de constater comment l’intuition du photographe a été habilement dirigée, de manière à l’emporter sur l’impression du visiteur. Marco Rigamonti a capté ce qui échappe habituellement au touriste voyageant en Camargue et restant à un niveau superficiel, déterminé à observer ce qui frappe son regard au premier coup d’œil plutôt qu’à rechercher l’essence et l’esprit du lieu. Il résulte de la quête de Marco Rigamonti une vision intime et personnelle, loin des stéréotypes habituellement associés à cette destination estivale populaire. Couchers de soleil d’un rouge flamboyant, flamants roses, chevaux blancs et taureaux sauvages, tous ces emblèmes typiques de la Camargue cèdent la place à une vaste étendue de nature préservée, où la présence de l’homme se révèle marginale.
Quelque chose de si important et évident. Que néanmoins tout le monde ne voit pas.
En Camargue, la lumière est pure car rien ne la perturbe, ni ne l’interrompt. La terre étant complètement plane, dénuée de hauteurs, la lumière tombe directement du ciel, sans être reflétée ou déviée par quoi que ce soit, pure – en fait – et blanche.
Teodora Malavenda
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The photographs presented in this book are the daughters of a strong bond, the bond existing between Marco Rigamonti’s sensitive eye and a land that the artist chose as the subject of his work, the Southern French natural region of Camargue.
This bond is made of trust and respect, built with patience and dedication. It was a genuine surprise, however, to see how the photographer’s intuition was cleverly directed to prevail on the perception of the visitor. Marco Rigamonti has captured what usually escapes the tourist travelling in Camargue, who remains in a superficial dimension, intent on observing what strikes his eyes at first glance rather than on looking for the essence and the spirit of the place. The result of Marco Rigamonti’s quest is an intimate and personal vision, far from the stereotypes usually associated with this popular holiday location. Fiery red sunsets, pink flamingos, white horses and wild bulls, all those typical emblems of Camargue give way to a vast expanse of wild and unspoiled nature, where the presence of man turns out to be marginal.
Something so important and obvious. Yet not everyone sees it.
In Camargue the light is pure since nothing jags or breaks it. The land being all flat and without climbs, the light comes directly from the sky, not reflected or deviated by anything, pure – in fact – and white.
Teodora Malavenda
« Je conduisais le long de la rivière Yoshino, qui s’écoule du barrage de Sameura pour s’enfoncer profondément dans les montagnes de la préfecture de Kochi, lorsque je découvris le pont rouge s’élançant au-dessus de la rivière brumeuse… » Toshio Shibata.
Les photographies des infrastructures construites par l’homme dans la nature ont fait la renommée de Toshio Shibata, né en 1949 au Japon. Après avoir longtemps privilégié le noir et blanc, Toshio Shibata opte au début des années 2000 pour la photographie couleur et ses Red Bridges sont devenues parmi les emblématiques de ses oeuvres. Elles ont donné leur titre au premier volume de la collection Le Pont Rouge, et à la collection elle-même.
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« I was driving along the Yoshino River that flows through the Sameura Dam deep in the mountains of Kochi Prefecture, when I found the red bridge reaching over the misty river. » Toshio Shibata.
His photographs of the infrastructures built by man in nature have made Toshio Shibata famous. After having favoured black and white for many years, Toshio Shibata (born in Japan in 1949) has switched to colour photography at the beginning of the 2000s, and his Red Bridges have become some of the most emblematic of his works. They have giving their name to the first volume of Le Pont Rouge, and to the collection itself.
« Suite à mes visites régulières aux Rencontres de la photographie, j’ai développé une fascination pour ce labyrinthe minéral qu’est le cœur de la ville d’Arles. J’ai parcouru les ruelles et les venelles des différents quartiers (la Cité, l’Hauture, Le Méjan, la Roquette et la Cavalerie) aux heures les plus chaudes, à la lumière éclatante et aux ombres profondes ; le moment où les arlésiens restent chez eux. C’est de cette rencontre qu’est née la série de compositions photographiques présentées dans ce livre.
Portant un regard contemplatif sur les couloirs urbains, je me suis laissé imprégner par la puissance visuelle qui se dégage des bâtiments arlésiens, de la pierre. Et malgré l’étroitesse des passages, j’ai toujours ressenti une impression d’espace, comme celle que l’on perçoit dans les photographies des rues désertes de Paris par Eugène Atget.
J’ai pour habitude pour mon travail photographique de choisir un univers qui me touche, où j’évolue sans objectif précis dans l’attente d’une rencontre « magique », de l’endroit qui me fera vibrer ; et c’est cette sensation que je cherche à retranscrire dans mes photographies. Mon travail invoque l’espace entre le soi et l’extérieur, le lien ou l’entre-deux (aida en japonais) dont parle le philosophe japonais Kimura Bin. » Patrick Rimond, mai 2015.
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« During my regular visits to the Rencontres de la photographie, I have developed a fascination for that mineral labyrinth that is the heart of the city of Arles. I have wandered about the streets and alleys of the different neighbourhoods (la Cité, l’Hauture, Le Méjan, la Roquette et la Cavalerie) at the hottest hours, of glaring light and deep shadows ; the time of the day when the people of Arles remain at home. It is from this encounter that the series of photographic compositions presented in this book were born.
In my photographic work, I usually chose a universe that touches me, walking around waiting for some « magical » encounter of the place that will make me vibe; this is this sensation that I try to express in my pictures. My work invokes the space between oneself and the outside, the link or the in-between (aida in Japanese) evoked by the Japanese philosopher Kimura Bin. » Patrick Rimond, May 2015.
La photographe japonaise Yôko Ikeda est diplômée du Centre de recherche de l’Université de Photographie de Tôkyô. Son travail a déjà été largement présenté au Japon et à l’étranger, en particulier aux États-Unis. Elle a également effectué de nombreux séjours en Europe. Les photographies présentées dans ce livre ont ainsi été prises au Benelux.
Yôko Ikeda promène son regard attentif et sensible sur les chemins du quotidien, afin de révéler la beauté cachée des décors en apparence les plus banals.
« Pour moi, la photographie n’est ni un mode d’enregistrement, ni une méthode d’explication par le biais de l’illustration. Je pourrais dire que c’est une forme d’expérimentation ayant pour but la rencontre de l’inattendu et de l’inconnu, tout en travaillant avec l’ambiguïté de la sensation visuelle consciente et des fluctuations de perspectives. » Yôko Ikeda
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Yôko Ikeda has graduated from the Research Department of the Photo University of Tôkyô. Her work has been largely presented in Japan and abroad, particularly in the United States. She has also made frequent trips to Europe. The photographs presented in this book have been taken in the Benelux.
Yôko Ikeda takes her keen and sensitive eye onto the roads of everyday life, in order to reveal the hidden beauty of the most apparently common surroundings.
« For me, photography is neither a way to record, nor a method of explanation through illustration. I could say it is a form of experimentation with the aim of encountering a vision of the unexpected and unknown while working with the ambiguity of conscious visual perception, and fluctuations of perspective. » Yôko Ikeda